Jurisprudence : organiser l’insolvabilité de sa SASU est une faute détachable des fonctions de Président

Posté par le 3 décembre 2025 dans Juridique

La Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt de principe qui renforce la responsabilité des dirigeants d’entreprise en cas de manœuvres visant à se soustraire à leurs obligations. Elle confirme ainsi que le faux-fuyant peut coûter (très) cher.

👨‍⚖️ La faute détachable retenue par la Cour

L’enjeu central de l’appel ne concernait pas la rupture du contrat (déjà prononcée par le tribunal de commerce aux torts exclusifs de la société), mais l’engagement de la responsabilité personnelle du dirigeant de la société.

En droit français, un dirigeant d’une société par actions simplifiée (SAS) ne peut être poursuivi personnellement par un tiers que s’il commet une faute détachable de ses fonctions. Cette faute doit être d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.

Or dans le cas d’espèce, la Cour a identifié deux actes intentionnels d’une gravité exceptionnelle imputables directement au Président associé unique :

1. L’Organisation de l’insolvabilité (faute intentionnelle)

Après l’abandon du chantier de construction d’une piscine (commandé en 2021) et le versement d’acomptes importants, le dirigeant a orchestré le transfert du siège social de sa société au Royaume-Uni, ainsi que sa radiation du RCS français en novembre 2022, et enfin sa dissolution en juillet 2023. Mais simultanément, il a ré-immatriculé une nouvelle société sous le même nom commercial à Lille.

La Cour a jugé que cette manœuvre avait pour but d’organiser l’insolvabilité de la société contractante, privant ainsi ses clients lésés de toute possibilité d’action en exécution à l’encontre du débiteur initial. Cet acte, intentionnel et fait en connaissance de cause (la société étant toujours débitrice), a été jugé incompatible avec l’exercice normal de la direction.

2. Le défaut d’assurance décennale (violation d’une obligation légale)

Le dirigeant n’avait pas souscrit l’assurance décennale obligatoire pour la construction d’une piscine (art. L. 241-1 du Code des assurances). Cette violation d’une obligation légale, engageant potentiellement sa responsabilité pénale, a également été retenue comme une faute d’une particulière gravité qui caractérise la faute détachable.

💸 Les conséquences de la condamnation personnelle

L’arrêt du 16 octobre 2025 infirme le jugement de première instance sur le débouté des demandes contre le dirigeant. De ce fait, la Cour le condamne personnellement à réparer l’intégralité des préjudices subis par ses clients, à savoir :

  • le remboursement des acomptes versés : 64.566 euros (avec intérêts légaux à compter du 24 juillet 2023), représentant les frais engagés en pure perte.
  • le versement de dommages et intérêts d’un montant de 5.000 € pour le préjudice moral (dégâts au terrain et tracas de procédure) .
  • le remboursement de frais de Justice : 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Cette décision rappelle que la personnalité morale d’une SAS ne saurait servir de bouclier au dirigeant qui commet, de manière intentionnelle et grave, des actes contraires aux intérêts des tiers et à la loi. L’organisation de l’insolvabilité par le dirigeant est désormais fermement établie comme une faute détachable ouvrant la voie à sa condamnation personnelle.

Texte officiel : Cour d’appel de Douai, décision RG n° 23/04804 du 16 octobre 2025.

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