Comme chacun sait, ce sont les statuts qui, dans les SAS et les SASU, fixent les modalités de la prise des décisions en interne.
Ils déterminent notamment la nécessité ou pas de consulter les associés pour une décision donnée, fixent les modalités pratiques de cette consultation si elle doit être effectuée, les règles de quorum et de majorité, le pouvoir des différents organes, etc.
Attention : la loi n’en prévoit pas moins que certaines décisions ne peuvent être adoptées que par les associés eux-mêmes. C’est le cas en matière d’augmentation, d’amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d’une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices.
Que se passe-t-il si les décisions sont prises en violation des modalités fixées par les statuts ?
Jusqu’ici, la jurisprudence estimait qu’une délibération prise en violation d’une clause statutaire pouvait uniquement entraîner une sanction du dirigeant (révocation ou action en responsabilité contre lui), mais les juges ne pouvaient en revanche annuler cette délibération . Celle-ci donc, bien que litigieuse, continuait néanmoins à produire ses effets, tant qu’elle n’avait pas été annulée par une nouvelle décision des associés.
Revirement de jurisprudence
Dans une affaire récemment soumise à la Cour de cassation, les juges sont en partie revenus sur leur position à ce sujet en considérant que, dès lors que la loi laisse aux statuts le soin de déterminer les décisions qui doivent être prises collectivement et d’en fixer les modalités, le respect des règles qu’ils fixent à cet égard est essentiel au bon fonctionnement de la société et à la sécurité des actes qui sont pris.
En conséquence, la Cour revient sur sa position antérieure et admet désormais qu’une violation des statuts peut être sanctionnée par la nullité lorsqu’elle est « de nature à influer sur le résultat du processus de décision », et cette nullité peut être demandée par tout intéressé.
Le cas typique est bien sûr une décision prise unilatéralement par le Président, alors que les statuts lui imposent de consulter les associés. Ou encore le non-respect de règles de majorité ou de quorum lors d’une assemblée.
Néanmoins, notons que cette faculté de prononcer la nullité d’une décision par les juges reste facultative. Ceux-ci sont donc libres de la prononcer ou pas. En outre, cette nullité peut le cas échéant être évitée si la décision litigieuse a été régularisée avant que le tribunal ne statue.
Source : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 mars 2023, pourvoi n° 21-18.324, Publié au bulletin