
Premier acte concrétisant véritablement la création d’une société, la rédaction de ses statuts constitue sans nul doute l’une des formalités les plus fastidieuses – et aussi les plus coûteuses généralement – pour une grande majorité de créateurs de SAS ou de SASU. La tentation est donc grande de recourir au modèles de statuts gratuits disponibles sur internet. Mais que valent-ils réellement ? Sont-ils une solution miracle ou un piège juridique ?
L’intérêt des modèles gratuits : économie et simplicité
L’avantage principal de ces modèles est double :
- L’économie : Ils permettent d’éviter les honoraires d’un avocat ou d’un notaire, qui peuvent représenter un coût initial non négligeable pour un jeune projet.
- La simplicité et la rapidité : Il suffit de télécharger un document, de remplir les blancs (nom de la société, montant du capital, objet social, etc.) et le tour est joué.
Cependant, cette facilité apparente masque des risques potentiels importants liés à leur fiabilité.
Un risque limité : l’oubli d’une des mentions obligatoires imposées par la loi
Les mentions obligatoires qui doivent figurer dans les statuts d’une SAS ou d’une SASU sont particulièrement nombreuses et un oubli peut avoir des conséquences très importantes. Il peut entraîner le refus d’immatriculation de la société par le greffe, voire la nullité ultérieure de la société si le greffier n’a pas détecté le manquement lors de l’immatriculation.
Il peut aussi entraîner plus tard, la responsabilité personnelle des fondateurs, lesquels s’exposeraient ainsi au paiement éventuel de dommages-intérêts.
Voici quelles sont ces mentions obligatoires :
Comme pour toutes les sociétés, les statuts d’une SAS ou d’une SASU doivent obligatoirement mentionner :
- la forme juridique de la société (« société par actions simplifiée » en l’occurrence) ;
- sa durée (qui ne peut excéder 99 ans) ;
- sa dénomination sociale (voir ICI) ;
- l’adresse de son siège social (voir ICI) ;
- son objet (c’est-à-dire l’activité qui sera exercée) ;
- le montant de son capital (voir ICI) ;
- l’évaluation de chaque apport en nature (s’il en existe) ;
- les modalités de fonctionnement de la société.
Cependant, les SAS et les SASU étant par définition des sociétés par actions, leurs statuts doivent également indiquer :
- pour chaque catégorie d’actions émises, le nombre d’actions de cette catégorie et, selon le cas, la part de capital social qu’elle représente ou la valeur nominale des actions qui la composent ;
- la forme, soit exclusivement nominative, soit nominative ou au porteur, des actions ;
- en cas de restriction à la libre négociation ou cession des actions, les conditions particulières auxquelles est soumis l’agrément des cessionnaires ;
- l’identité des apporteurs en nature, l’évaluation de l’apport effectué par chacun de ceux-ci et le nombre d’actions remises en contrepartie de l’apport ;
- l’identité des bénéficiaires d’avantages particuliers et la nature de ceux-ci ;
- les stipulations relatives à la composition, au fonctionnement et aux pouvoirs des organes de la société
- les dispositions relatives à la répartition du résultat ;
- l’identité de toutes personnes physiques ou personnes morales qui ont signé ou au nom de qui ont été signés les statuts ou le projet de statuts.
Enfin, ne pas oublier également les mentions suivantes, spécifiques aux SAS et aux SASU :
- s’il en existe, les noms des premiers commissaires aux comptes (article 225-16 du code de commerce sur renvoi de l’article L 227-1 du même code) ;
- les conditions dans lesquelles la société est dirigée (article L 227-5 du code de commerce) ;
- les conditions de désignation du président (article L 227-6 du code de commerce) ;
- les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier (article L 227-6 du code de commerce) ;
- les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient (article L 227-9 du code de commerce). A cet égard, il faut savoir que doivent être exercées collectivement par les actionnaires, dans les conditions prévues par les statuts, toutes les décisions portant sur le capital social (augmentation, amortissement ou réduction) ; les opérations de fusion, de scission, de dissolution, ou de transformation de la SAS en une société d’une autre forme ; la nomination d’un commissaire aux comptes ; ainsi que toutes les décisions relatives aux comptes annuels et aux bénéfices.
Comme vous le voyez ces mentions légales sont très nombreuses et le risque d’oubli est donc important. Néanmoins, ce risque est facile à éviter puisqu’il suffit de vous assurer que les statuts gratuits que vous utilisez contiennent bien toutes ces mentions.
Un risque majeur plus difficile à éviter : le manque de personnalisation et d’actualisation
La fiabilité d’un modèle de statuts gratuit est, par nature, limitée. Un modèle ne peut être qu’un canevas générique.
Or, les statuts d’une société – à plus forte raison ceux d’une SAS ou d’une SASU -, constituent non seulement le « manuel technique » de votre future société, mais aussi son « manuel de fonctionnement », et même son « règlement intérieur », c’est-à-dire la base juridique sur laquelle devraient être réglés les éventuels litiges qui surviendraient entre les actionnaires… et ceci, pendant toute la durée de vie de votre société (soit durant près d’un siècle dans le cas général puisque la plupart des sociétés sont créées avec une première durée initiale de 99 ans !).
En clair, des statuts « standards » peuvent constituer une véritable « bombe à retardement » juridique.
N’oubliez donc pas à ce sujet que :
- Chaque société a des besoins particuliers, notamment en termes de gouvernance (modalités de vote, pouvoirs des dirigeants, transmission des parts, clauses d’agrément, etc.). Un modèle standard négligera souvent ces clauses essentielles qui préviennent les conflits futurs entre associés.
- Les exigences entre une SAS (Société par Actions Simplifiée), qui offre une grande liberté contractuelle, et une SARL (Société à Responsabilité Limitée) sont très différentes. Un modèle inadapté à la forme juridique choisie peut rendre certaines clauses nulles ou inapplicables.
- Le droit des sociétés est en constante évolution (lois de financement annuelles, réformes diverses). Un modèle gratuit peut très vite devenir obsolète ou contenir des références à des articles de loi qui ne sont plus en vigueur, ce qui engagerait la responsabilité des fondateurs.
Conseils de précaution et alternatives
Si l’usage d’un modèle gratuit de statuts peut être tentant, il est impératif d’adopter une approche prudente et informée :
1. La « double vérification »
- Source : Privilégiez les modèles proposés par des organismes officiels (Chambres de Commerce et d’Industrie – CCI, plateformes d’aide à la création d’entreprise reconnues) plutôt que des sites anonymes ou peu spécialisés.
- Mise à jour : Vérifiez toujours la date du modèle pour s’assurer qu’il intègre les dernières évolutions législatives.
2. Les clauses essentielles à ne pas oublier
Même en utilisant un modèle, assurez-vous d’avoir bien défini et personnalisé :
- L’objet social précis : Il détermine le champ d’activité légal de la société.
- Les clauses d’agrément/préemption : Elles régissent la vente ou la cession des actions, cruciales pour protéger l’actionnariat initial.
- Les modalités de prise de décision : Définition des majorités requises pour les décisions importantes.
3. Les alternatives professionnelles
Pour une sécurité juridique maximale, les options payantes mais plus sûres restent les meilleures :
Solution | Avantages | Inconvénients |
Avocat ou Notaire | Conseil personnalisé, prise en compte des spécificités du projet, sécurité juridique maximale. | Coût élevé. |
Plateformes Juridiques en Ligne Payantes | Statuts semi-personnalisés créés par algorithmes et souvent relus par des professionnels. Coût intermédiaire. | Moins de finesse dans le conseil que l’avocat. |
Conclusion
Les modèles de statuts gratuits en ligne sont un point de départ utile pour se familiariser avec la structure d’un acte juridique. Ils ne doivent donc pas être systématiquement rejetés. Ils peuvent tout à fait convenir pour des projets extrêmement simples et peu risqués, pourvu que l’on prenne la peine de les relire attentivement et de les comprendre, et de s’assurer que tous les mentions obligatoires y figurent.
En revanche, ils ne sont pas toujours suffisamment pas fiables pour des sociétés à plusieurs associés ou ayant des enjeux financiers importants. S’agissant en effet le plus souvent de modèles « standards », ils sont dépourvus de l’expertise et de la personnalisation qu’un professionnel du droit peut apporter.
Pour protéger votre avenir et celui de vos associés, il est vivement recommandé de faire vérifier ou rédiger vos statuts par un professionnel. Le coût initial sera largement inférieur aux litiges et aux problèmes que des statuts mal ficelés pourraient engendrer plus tard.