Il n’y a pas si longtemps, les personnes qui envisageaient de créer une société ne se posaient même pas la question. C’était beaucoup plus simple : elles créaient une SARL, point barre !
En 2010 par exemple, alors que les SAS existaient pourtant depuis plus de 15 ans, elles étaient totalement ignorées. C’était la SARL qui était largement plébiscitée au point de représenter plus de 80 % des créations de sociétés (les 20 % restants étant des SNC, des SA, et quelques SAS).
On ne disait pas : » je vais créer une société », mais « je vais créer une SARL ».
Et puis, patatras, c’est la dégringolade : depuis 2013, les créations de SARL n’ont cessé de diminuer et ne représentent plus aujourd’hui que 30 % des créations (contre 68 % pour les SAS et les SASU).
Alors que s’est-il passé ?
Il y a d’abord eu l’arrivée des start-up, pour lesquelles la SAS était beaucoup mieux adaptée que la SARL en raison notamment des facilités d’entrée et de sortie d’associés.
Mais le coup fatal a surtout été la décision des autorités, en 2013, d’assujettir les dividendes des Gérants majoritaires des SARL aux cotisations RSI, ce qui représentait et représente toujours aujourd’hui (même si le RSI n’existe plus) un prélèvement de l’ordre de 42 à 45 % avant impôt sur le revenu, tandis que les dividendes des SAS et des SASU ne sont soumis qu’à un prélèvement de 17,2 %.
Remarque : notons toutefois que les cotisations sur les dividendes de SARL peuvent être prises en charge par la société ou sont déductibles du revenu imposable, et qu’elles augmentent les droits à la retraite. Tandis que le prélèvement de 17,2 % sur les dividendes des SAS ne peut pas être pris en charge par la société, n’est pas déductible et n’ouvre aucuns droits à la retraite.
Autant dire que, alors que le RSI était déjà devenu la bête noire d’une très grande majorité de non salariés à l’époque, lui verser en plus près de la moitié de ses dividendes leur était devenu insupportable.
Et c’est ainsi que, du jour au lendemain, et alors qu’elle avait été totalement ignorée pendant 20 ans, la SAS est d’un seul coup devenue la panacée, le refuge même, et donc la forme juridique idéale pour créer sa société.
SAS ou SARL : quelles différences ?
Cependant, cette différence de taxation des dividendes n’est pas (ou plus) le seul argument que retiennent aujourd’hui les promoteurs de la SAS.
Un autre argument également mis en avant est sa souplesse de fonctionnement par rapport à la SARL.
Ceci dit, ne nous y trompons pas : au quotidien, il n’y a aucune différence entre les deux sociétés. Elles doivent tenir exactement la même comptabilité, elles doivent produire les mêmes déclarations fiscales et sociales tout au long de l’année, elles payent exactement les mêmes impôts et taxes (TVA, impôt sur les sociétés, CFE, etc.), les responsabilités des dirigeants et des associés sont identiques et, si leur papier à entête ne comportait pas la mention « SAS au capital de… », on ne verrait aucune différence avec les SARL.
Mais en interne par contre, il y a tout de même des différences importantes et souvent décisives dans un sens ou dans l’autre :
- sur le plan juridique, les modalités de fonctionnement de la SAS sont donc réputées plus souples que celles de la SARL ;
- dans les SAS, l’entrée et la sortie d’associés est facilitée par rapport aux SARL ;
- les droits de vote des associés de SAS peuvent être déterminés différemment ;
- sur le plan personnel, le statut des dirigeants et des associés de SAS est réputé plus attractif que celui des dirigeants et associés des SARL.
Comparaison SAS SARL : les différences de fonctionnement sur le plan juridique
A cet égard, il faut revenir aux sources et rappeler ce qu’est une société.
Qu’il s’agisse d’une SAS ou d’une SARL, c’est la même chose : une « société » est une entité économique formée de plusieurs personnes qui mettent en commun des biens, des droits, des capitaux ou des services en vue de la réalisation d’un objet qui est fixé dans les statuts.
En conséquence, dès lors qu’il s’agit de la création d’une affaire à plusieurs, de nombreux intérêts entrent en jeu et de nombreux conflits sont susceptibles de se produire au fil du temps.
Il y a d’abord les conflits relatifs aux intérêts de la société elle-même (rémunérations des dirigeants jugées trop importantes par exemple, suspicion d’abus de biens sociaux, etc.), mais aussi bien sûr les intérêts des associés qui, dès lors qu’ils ont mis de l’argent dans l’affaire, entendent bien être tenus informés de la manière dont cet argent est utilisé et, le cas échéant, de retirer un profit de cet investissement, à savoir des dividendes. De plus, il semble normal également qu’ils soient informés d’éventuels changements par rapport à ce qui avait été convenu au départ, comme un changement d’activité par exemple.
C’est donc pour protéger tout ce petit monde, la société elle-même mais aussi ses associés, que la loi oblige les dirigeants de sociétés à respecter de nombreuses obligations vis-à-vis d’eux.
Et là encore, ces obligations sont les mêmes, que l’on soit en SARL ou en SAS.
Par exemple, aussi bien les Présidents de SAS que les Gérants de SARL, sont tenus de faire approuver le bilan et le résultat chaque année par leurs associés.
De même, toute décision ayant pour effet de modifier une mention figurant dans les statuts d’origine, doit au préalable être soumise à l’approbation des associés. C’est obligatoire.
Mais ce qui change en revanche, c’est que, alors que dans les SARL, la façon de respecter ces obligations est précisément fixée par la loi (et gare aux amendes en cas d’écart !), dans les SAS en revanche, ce sont les associés eux-mêmes, dans les statuts, qui fixent la manière de procéder. C’est donc plus souple.
Par exemple, s’agissant de la présentation des comptes chaque année aux associés, le Gérant d’une SARL est tenu, sous peine d’une amende de 9.000 €, de convoquer tous les associés en assemblée générale dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice, par lettre recommandée avec AR, envoyée dans des délais très précis (au jour près !), et accompagnée de nombreux documents, tels que son rapport de gestion, le texte des résolutions proposées à l’assemblée, etc.
Tandis que dans les SAS, la loi prévoit également que les comptes annuels doivent être approuvés collectivement par les associés, mais dans les conditions fixées dans les statuts.
Ce sont donc les associés eux-mêmes qui, dans les statuts, se sont mis d’accord pour savoir comment cela allait se passer chaque année.
Et c’est la même chose pour toute modification des statuts ! Alors que dans les SARL il faut à chaque fois convoquer une assemblée par lettre recommandée, dans les SAS, ce sont là encore les statuts qui prévoient la marche à suivre.
C’est ce qui fait dire à beaucoup que la SAS est d’un fonctionnement beaucoup plus souple que la SARL.
Et c’est vrai. Mais d’un autre côté, cela suppose que les statuts d’une SAS soient super réfléchis et super bien rédigés. Car tout repose sur eux. Et à supposer qu’un litige survienne alors que les statuts ne l’envisagent pas, il y a de forte chance pour que cela se termine devant un tribunal.
Comparaison SAS SARL : différences en ce qui concerne l’entrée et la sortie d’associés
Dans les SARL, l’entrée ou la sortie de nouveaux associés sont expressément régies par la loi et il est impossible d’y déroger.
En particulier, tout nouvel associé doit être agréé par les anciens, et il est en principe impossible de se séparer d’un associé contre son gré.
Tandis que dans les SAS, la possibilité d’exclure un actionnaire, personne physique ou personne morale, est expressément prévue par la loi (Articles L.227-16 et L.227-17 du Code de commerce).
Les statuts peuvent également contenir toutes sortes de clauses en principe impossibles dans les SARL, par exemple clause facilitant la sortie d’un investisseur, une clause de sortie conjointe, un droit de retrait, etc.
En outre, les actions détenues par les associés de SAS sont négociables et peuvent être cédées par une simple inscription en compte. Ce qui est beaucoup plus simple que dans les SARL, où elles sont soumises à un formalisme beaucoup plus lourd. En effet, les noms des associés des SARL étant obligatoirement mentionnés dans les statuts (ce qui n’est pas le cas dans les SAS), toute entrée ou sortie, ou tout transfert de parts d’un associé à un autre, constitue une modification des statuts et nécessite donc là encore la réunion d’une assemblée générale et diverses formalités administratives.
Enfin, le prix de cessions de parts de SARL est assujetti à un droit d’enregistrement de 3 % (voire plus dans certains cas), alors que ce droit ne s’élève qu’à 0,1 % pour les cessions d’actions de SAS.
Là encore donc, il s’agit de différences en faveur de la SAS et dont il faut tenir compte, surtout pour une start-up.
Comparaison SAS ou SARL : les différences au niveau des droits de vote des associés
Dans une SARL, les associés possèdent obligatoirement autant de voix qu’ils possèdent de parts et 1 part = 1 voix.
Dans une SAS, les statuts peuvent par exemple prévoir que sur 100 actions, celles de 1 à 50 auront un droit de vote simple (1 action = 1 voix), tandis que celles numérotées de 50 à 100 auront un droit de vote double (1 action = 2 voix). Etc.
Ainsi, en cas de nouveaux entrants au capital, des statuts bien rédigés peuvent permettre à un actionnaire minoritaire de garder la main sur l’entreprise.
Comparaison SAS ou SARL : les différences pour le Président et les associés
En premier lieu, précisons que dans une SAS, le président peut être une personne morale, c’est-à-dire une autre société (voir ICI). Il peut s’agir par exemple d’une autre SAS, d’une SASU, ou de toute autre société, y compris d’une SARL le cas échéant. Tandis que le Gérant d’une SARL est obligatoirement une personne physique.
Par contre, une SAS ne peut avoir qu’un seul Président (qui peut toutefois être secondé par un ou plusieurs directeurs généraux), tandis qu’une SARL peut avoir plusieurs Gérants.
Cependant, la différence essentielle pour le Président d’une SAS en ce qui concerne son statut personnel, c’est qu’il relève obligatoirement du régime social des salariés (sans droit au chômage), y compris s’il est majoritaire et même s’il détient 100 % du capital.
Tandis que dans une SARL, seul le Gérant qui détient au plus 50 % du capital (en tenant compte le cas échéant des parts détenues par son conjoint et par ses enfants mineurs) bénéficie de ce même statut d’assimilé salarié. En revanche, dès lors qu’il détient plus de 50 % du capital, il relève obligatoirement du régime social des non salariés.
Cela étant, là encore il ne faut pas s’y tromper : bénéficier du statut de salarié sur les plans social et fiscal ne signifie pas que l’on est un salarié à part entière. Bien au contraire : même s’il bénéficie du régime des salariés, le Président d’une SAS n’assume pas ses fonctions dans le cadre d’un contrat de travail, mais d’un contrat de mandat (c’est pour cela qu’il est qualifié de « mandataire social »). Il ne bénéficie donc d’aucune des dispositions du code du travail : pas de 35 h, pas de salaire minimum, encore moins d’heures supplémentaires, pas de 13e mois, pas de congés payés, pas de PPV (Prime de partage de la valeur), pas d’indemnité de licenciement. etc.
De plus, dès lors qu’ils n’ont pas droit au chômage, les Présidents de SAS n’ont pas droit à la réduction Fillon sur les charges patronales. Or dès lors qu’ils n’ont pas droit à cette réduction, ils n’ont pas droit non plus aux réductions sur les cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales.
Leur rémunération est donc assujettie à nettement plus de cotisations que celle d’un salarié non dirigeant (voir notre simulateur).
De même, il n’est plus à démontrer qu’à revenu net identique, le coût total des cotisations sociales est beaucoup plus élevé – jusqu’à 100 % pour les petits salaires ! – pour le Président d’une SAS que pour le Gérant majoritaire d’une SARL.
Il résulte de l’ensemble de ces particularités que, par exemple pour un salaire mensuel de 1.500 € net, le total des cotisations dues pour un président de SAS ou de SASU (part salariale + part patronale) est 87 % plus élevé que celui d’un non salarié.
Comparatif des charges sociales entre un Président de SAS et un Gérant majoritaire de SARL
Rémunération nette mensuelle | Total charges en SARL | Total charges en SAS(*) | Ecart |
---|---|---|---|
500 € | 234 € | 474 € | + 103 % |
1.000 € | 448 € | 859 € | + 92 % |
1.500 € | 666 € | 1.244 € | + 87 % |
2.000 € | 898 € | 1.630 € | + 82 % |
2.500 € | 1.137 € | 2.015 € | + 77 % |
3.000 € | 1.383 € | 2.402 € | + 74 % |
3.500 € | 1.625 € | 2.766 € | + 70 % |
4.000 € | 1.812 € | 3.129 € | + 73 % |
4.500 € | 2.031 € | 3.493 € | + 72 % |
5.000 € | 2.233 € | 3.856 € | + 73 % |
6.000 € | 2.558 € | 4.584 € | + 79 % |
7.000 € | 2.883 € | 5.311 € | + 84 % |
8.000 € | 3.208 € | 6.038 € | + 88 % |
9.000 € | 3.533 € | 6.765 € | + 91 % |
10.000 € | 3.857 € | 7.492 € | + 94 % |
(*) Cotisations légales au 1er janvier 2022, avec une cotisation accident du travail de 2 %, + une cotisation de 60 € au titre de la mutuelle, prise en charge à 50 % par la société.
Enfin, tandis que le Gérant majoritaire d’une SARL n’a qu’une seule déclaration à produire chaque année, le Président de SAS doit se délivrer un bulletin de paye et produire une déclaration à l’URSSAF et aux autres organismes sociaux chaque mois (voir ICI). Là encore, ceci entraîne des dépenses supplémentaires en matière de charges administratives.
Le statut de Président de SAS est donc nettement plus onéreux que celui de Gérant majoritaire de SARL.
SAS ou SARL : les différences au niveau des dividendes
Comme il a été dit en introduction, alors que les dividendes perçus par les associés de SARL qui relèvent du régime social des non salariés au titre d’une activité exercée au sein de leur société, sont pour une large part assujettis aux cotisations sociales des indépendants, ceci n’est généralement pas le cas des dividendes de SAS.
Les dividendes de SAS sont en effet pour leur totalité assujettis aux prélèvements sociaux de 17,2 %, mais non aux cotisations sociales.
Il est donc clair que, pour un Président qui privilégie les dividendes en fin d’année plutôt qu’une rémunération régulière, cette différence de traitement des dividendes rend aujourd’hui la SAS très attractive par rapport à la SARL.
Mais là encore attention : ceci ne vaut que pour les SAS qui exercent une activité artisanale, commerciale ou industrielle. Car pour celles qui exercent une profession libérale, les dividendes de certains associés, de leur conjoint et de leurs enfants mineurs, peuvent être assujettis à cotisations selon le même principe et dans les mêmes proportions que les dividendes des Gérants majoritaires de SARL. Il en est ainsi des associés qui sont tenus de cotiser, au titre de leur activité exercée au sein de la société, à une caisse vieillesse de professions libérales (ou à la Caisse National des Barreaux Français – CNBF).
De plus, il est rappelé que la rémunération du Président est déductible des résultats de sa société, tandis que les dividendes ne le sont pas. Il en résulte que lorsque l’on privilégie les dividendes, on paye plus d’impôt sur les sociétés. Pensez-y !
En tout état de cause, chaque cas doit bien sûr être étudié individuellement, et il va sans dire qu’il est grandement conseillé, avant de se lancer dans la grande aventure de la création d’une société, de soumettre au préalable son projet de création à un expert-comptable.